COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 janvier 2010
Rejet
M. BAILLY, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 122 F-D
Pourvoi n° J 09-40.018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Nuxys, société à responsabilité limitée, dont le siège est 251 route de Bayonne, immeuble Burospace, 31300 Toulouse,
contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2008 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à M. Eric Dupuy, domicilié 70 chemin du Loup, 31100 Toulouse,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 décembre 2009, où étaient présents : M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Guyon-Renard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Linden, Lebreuil, conseillers, Mme Grivel, conseiller référendaire, M. Allix, avocat général, Mme Mantoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Guyon-Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Nuxys, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Dupuy, les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 novembre 2008), que M. Dupuy, engagé le 26 décembre 2000 en qualité d'ingénieur système par la société A2PC par contrat transféré à la société Nuxys, a été licencié le 26 décembre 2005 pour faute grave ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le dénigrement d'un supérieur hiérarchique par l'utilisation du vocable particulièrement irrespectueux "la petite vérole" constitue une faute grave et à tout le moins une faute réelle et sérieuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9, L. 122-14-3 devenus L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que commet une faute grave et à tout le moins réelle et sérieuse, le salarié qui dénigre son supérieur hiérarchique en lui déniant la moindre qualité professionnelle ; qu'après avoir constaté que "Selon M. Lacoste, M. Dupuy a dit à propos de M. Bodin responsable projet "il est nul, il ne sait pas travailler", la cour d'appel qui ne s'est pas prononcée sur la gravité et la réalité de ce comportement, relaté dans une attestation qu'elle jugeait pourtant pertinente, puisqu'elle s'était par ailleurs fondée sur cette attestation de M. Lacoste du 15 décembre 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9, L. 122-14-3 devenus L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que le non-respect par le salarié de consignes claires et simples, données par écrit, caractérise une insubordination constitutive d'une faute grave et à tout le moins d'une faute réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, dans une note du 1er décembre 2005, la société Nuxys avait demandé à M. Dupuy de "se présenter demain vendredi 2 décembre à 9 h 30 pour récupérer vos effets personnels" chez le client DSNA, en ajoutant "nous vous demandons expressément de quitter le site dès 10 h 00", qu'elle a par ailleurs constaté le non-respect par le salarié de cette consigne, ainsi que le fort mécontentement s'étant ensuivi de la part du client de l'entreprise ; qu'en écartant pourtant toute faute grave et à tout le moins toute cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9, L. 122-14-3 devenus L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant l'ensemble des griefs reprochés à M. Dupuy, la cour d'appel a pu retenir qu'au regard de son ancienneté et de l'absence d'antécédent disciplinaire, les seuls griefs établis, à savoir l'usage, comme d'autres employés, d'un sobriquet péjoratif pour l'un de ses collègues et le non-respect de la consigne relative à l'heure de départ de la DSNA, ne constituaient pas une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et n'a fait qu'user du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail pour dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nuxys aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nuxys à payer à M. Dupuy la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par M. Bailly, président, et Mme Piquot, greffier de chambre lors de la mise à disposition de l'arrêt, en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Nuxys
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR décidé que le licenciement de Monsieur Dupuy ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Nuxys à payer à Monsieur Dupuy les sommes de 25.000 € à titre de dommages-intérêts, 2.666 € au titre du salaire pendant la mise à pied, 9.600 € à titre d'indemnité de préavis, les congés payés y afférents, et 5.155,54 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE sur le grief c) du " dénigrement de vos interlocuteurs professionnels, ou encore par des propos inadmissibles à l'égard de l'un d'eux ", il ressortait de l'attestation de Monsieur Besgrove que Monsieur Dupuy désignait habituellement le responsable de l'équipe Monsieur Ravayrol par le terme " La petite vérole " ; que sur ce point, Monsieur Ayma écrivait dans son attestation : " concernant le sobriquet " la petit vérole " donné à Monsieur Ravayrol, il a été utilisé par toute l'équipe MOE-7SQ, je dis bien toute l'équipe, à un moment ou à un autre. De plus ce surnom n'a pas été inventé par Monsieur Dupuy " ; que selon Monsieur Lacoste, Monsieur Dupuy avait dit à propos de Monsieur Bodin responsable projet " il est nul, il ne sait pas travailler " ; que dans une attestation Monsieur Varela, ingénieur système ayant travaillé avec Monsieur Dupuy de 2000 à 2003, écrivait à propos du surnom de Monsieur Ravayrol : " il vient en fait d'un lapsus et les intervenants des équipes MOE l'utilisaient, d'autres personnes étaient désignées par des alias plus ou moins heureux, c'est fréquent dans le groupe, il aurait suffit d'un mail du responsable Stéphane Rieux pour limiter l'emploi de tous ces nominatifs " ; qu'il en ressortait que Monsieur Dupuy avait imité ses collègues sans être à l'initiative du fait reproché, et que rien ne justifiait le pluriel reproché dans la lettre de licenciement à propos d'interlocuteurs qui auraient été dénigrés ; que sur d) le fait pour Monsieur Dupuy d'être allé dans les locaux de la DSNA aux alentours de 8h30 et d'y être demeuré au moins jusque vers 11 heures, dans une note du 1er décembre 2005, la société Nuxys avait demandé à Monsieur Dupuy de " se présenter demain vendredi 2 décembre à 9h30 pour récupérer vos effets personnels " chez le client DSNA, en ajoutant " nous vous demandons expressément de quitter le site dès 10h00 " ; qu'elle versait l'attestation de Monsieur Lacoste affirmant avoir à 11h00 aperçu le véhicule de Monsieur Dupuy devant les locaux de DSNA ; qu'elle produisait un courriel rédigé par un employé de l'aviation civile qui avait écrit le 16 décembre 2005 que le jour de sa venue à la DSNA, le 2 décembre, prévue uniquement de 9h00 à 10h00, " votre collaborateur n'a pas respecté les horaires définis, cela nous a obligé à investiguer ce qui avait été fait par cette personne pendant sa présence dans nos locaux nous faisant perdre ainsi un temps précieux. Il est hors de question qu'un tel évènement se renouvelle et nous vous engageons à prendre toutes les dispositions nécessaires afin d'éviter qu'une telle situation se produise à l'avenir " ; que le grief tiré du non-respect de la consigne devait être considéré comme suffisamment justifié ; que s'agissant d'un salarié ayant travaillé pendant cinq années dans la même entreprise sans avoir jamais reçu un courrier de reproches ni aucune sanction disciplinaire, les seuls griefs avérés, soit l'usage comme d'autres employés d'un sobriquet inapproprié pour l'un des collègues, et le non respect de la consigne quant à l'heure de départ de la DSNA, ne pouvaient à eux seuls caractériser une ou plusieurs fautes justifiant la rupture du contrat de travail de Monsieur Dupuy ;
ALORS 1°) QUE le dénigrement d'un supérieur hiérarchique par l'utilisation du vocable particulièrement irrespectueux " la petite vérole " constitue une faute grave et à tout le moins une faute réelle et sérieuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9, L. 122-14-3 devenus L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS 2°) QUE commet une faute grave et à tout le moins réelle et sérieuse, le salarié qui dénigre son supérieur hiérarchique en lui déniant la moindre qualité professionnelle ; qu'après avoir constaté que " Selon Monsieur Lacoste, Monsieur Dupuy a dit à propos de Monsieur Bodin responsable projet " il est nul, il ne sait pas travailler ", la cour d'appel qui ne s'est pas prononcée sur la gravité et la réalité de ce comportement, relaté dans une attestation qu'elle jugeait pourtant pertinente, puisqu'elle s'était par ailleurs fondée sur cette attestation de Monsieur Lacoste du 15 décembre 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9, L. 122-14-3 devenus L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS 3°) QUE le non respect par le salarié de consignes claires et simples, données par écrit, caractérise une insubordination constitutive d'une faute grave et à tout le moins d'une faute réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, dans une note du 1er décembre 2005, la société Nuxys avait demandé à Monsieur Dupuy de " se présenter demain vendredi 2 décembre à 9h30 pour récupérer vos effets personnels " chez le client DSNA, en ajoutant " nous vous demandons expressément de quitter le site dès 10h00 " ; qu'elle a par ailleurs constaté le non-respect par le salarié de cette consigne, ainsi que le fort mécontentement s'étant ensuivi de la part du client de l'entreprise ; qu'en écartant pourtant toute faute grave et à tout le moins toute cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9, L. 122-14-3 devenus L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.
PETIT GUIDE DES GROSSIÈRETÉS AU TRAVAIL
Comment injurier son patron sans se faire virer ?
Comment insulter son salarié sans être inquiété ?
Par
Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit Social
Barreau de Montpellier
Sur le Blog de l'Actualité du Droit du travail
http://www.rocheblave.com/avocat-montpellier/petit-guide-des-grossieretes-au-travail/
Rédigé par : AVOCAT_TRAVAIL | 18 septembre 2010 à 20:10