RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 30 mars 2010
(n° 5 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10042
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Melun
- section commerce - RG n° 06/00755
APPELANT
LA POSTE
8 rue Georges Clémenceau
Zone Industrielle Vaux le Pénil
77011 MELUN CEDEX
représentée par la AUGUST & DEBOUZY, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Noreen
CHAUDHURY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 438
INTIMÉ
M. Anthony SOURAMASING
27 Square Charlotte Corday
77184 EMERAINVILLE
représenté par M. Omar ZEGHOUDI (délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue
le 27 octobre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme
Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et Mme Michèle MARTINEZ, conseillère, chargées
d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Madame Michèle MARTINEZ, conseillère
Monsieur Serge TRASSOUDAINE, conseiller
Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement
avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente et par M. Eddy VITALIS, greffier
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
M. Anthony Souramasing est employé par la société La Poste en qualité de facteur depuis le
1er mars 1993.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juin 2005, faisant suite à un entretien
préalable du 30 mai 2005, La Poste a notifié à M. Souramasing une sanction disciplinaire de 3 mois
de mise à pied avec privation de salaire.
Le 7 novembre 2006, M. Souramasing a saisi le conseil de prud'hommes de Melun de demandes
tendant en dernier lieu à l'annulation de la sanction disciplinaire prise à son encontre, au paiement
d'un rappel de salaire, de dommages et intérêts et d'une allocation de procédure.
Par jugement du 27 juin 2008, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a :
- annulé la sanction prononcée,
- condamné La Poste à payer à M. Souramasing :
- 4 268,99 euros correspondant à la perte de salaire avec intérêts au taux légal à compter du
7 novembre 2006,
- 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté M. Souramasing de sa demande de dommages et intérêts.
La Poste a interjeté appel. Elle demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement, de débouter
M. Souramasing de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 1 500 euros en application de
l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Souramasing conclut à la confirmation du jugement sauf à lui allouer une somme de 500 euros à
titre de dommages et intérêts, et sollicite 1 000 euros supplémentaires au titre de l'article 700 du
Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs
conclusions visées par le greffier le 27 octobre 2009, reprises et complétées lors de l'audience.
Motifs de la décision
Aux termes de l'article L.1333-1 du Code du travail relatif aux sanctions disciplinaire, en cas de
litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés
au salarié sont de nature à justifier une sanction ; l'employeur doit fournir les éléments qu'il a retenus
pour prendre la sanction ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa
conviction ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L.1333-2 du même code dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction
irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
La lettre du 24 juin 2005 notifiant à M. Souramasing une sanction disciplinaire de 3 mois de mise à
pied avec privation de salaire énonce :
'Lors de notre entretien du 30 mai 2005, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons
<<mauvais service, injures et menaces envers un hiérarchique>> et qui nous ont conduits à envisager
à votre égard une sanction disciplinaire.
De tels faits sont préjudiciables au bon fonctionnement du service et portent atteinte à l'image de
marque de l'entreprise.
Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien n'étaient pas de nature à modifier notre
appréciation sur votre comportement. Nous avons donc réuni le 21 juin 2005 un conseil de discipline
qui a statué sur votre dossier.
La sanction de la mise à pied de trois mois avec privation de salaire a recueilli la majorité des voix.
La mise à pied avec privation de salaire commencera le mercredi 29 juin 2005 au matin et prendra
fin le 29 septembre 2005 au soir'.
Il est ainsi reproché à M. Souramasing, facteur :
- d'avoir, le 12 avril 2005, laissé sur sa position de travail à la vue de tous trois lettres recommandées,
alors que, selon la procédure de distribution, les courriers recommandés qui sont remis au facteur
pour être distribués et qui ne le sont pas doivent impérativement, soit être rendus au chef de cabine,
soit être gardés par l'agent dans sa sacoche financière et restitués en fin de tournée (mauvais service),
- d'avoir, le 13 avril 2005, alors que Mme Alemany, chef d'équipe du centre de distribution lui avait
remis un formulaire de demande d'explications sur l'incident de la veille et avait refusé de retirer
cette demande, insulté et menacé celle-ci en ces termes : 'Tu me fais chier avec tes demandes
d'explications. Un jour la roue tournera pour toi' (injures et menaces envers un supérieur
hiérarchique).
M. Souramasing a reconnu les faits relatifs aux courriers recommandés en indiquant qu'il s'agissait
d'une erreur involontaire de sa part, ces lettres ayant 'glissé' de son cahier.
En ce qui concerne le second grief, lors de l'enquête administrative interne diligentée par La Poste il
a indiqué qu'il avait 'juste dit' à Mme Alemany qu'elle était 'dure avec lui' et que la 'roue tournerait'.
Alors que M. Souramasing a été hésitant et s'est partiellement contredit à ce sujet lorsqu'il a été
entendu lors de l'enquête interne et par le conseil de discipline, la version des faits du 13 avril 2005
donnée par Mme Alemany par écrit et lors de l'enquête interne qui a suivi est corroborée par les
témoignages précis et concordants, fournis lors de cette enquête, par trois salariés qui y ont assisté en
tout ou en partie, MM. Chartogne, chef de cabine, Reynaud, responsable courrier, et Morin, agent
qui attendait Mme Alemany pour passer un entretien d'évaluation.
Les griefs invoqués à l'appui de la sanction prise sont par conséquent établis. Il revêtent une gravité
certaine compte tenu, en particulier, des conséquences qu'ils ont eu sur Mme Alemany, qui en a été
très perturbée pendant une longue période, et du comportement facilement coléreux et agressif deM. Souramasing, lequel, ainsi que cela ressort des pièces fournies, avait déjà fait l'objet
d'observations pour des coups portés à un collègue, une altercation avec un tiers et des
comportements contraires au règlement à l'occasion de son travail.
Toutefois, il résulte de la convention collective applicable que sur l'échelle de cinq sanctions
disciplinaire prévues, la mise à pied pour trois mois avec privation du salaire est la plus élevée du
4ème niveau et qu'elle précède directement celle du licenciement.
Ainsi, et comme l'a relevé le premier juge, bien que les fautes commises par M. Souramasing
justifiaient une sanction sévère, ce que les représentants syndicaux au conseil de discipline ont admis
en proposant une peine de quinze jours de mise à pied avec privation du salaire, celle prise par
La Poste le 24 juin 2004, était manifestement disproportionnée.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il l'a annulée et a condamné La Poste à payer à
M. Souramasing les salaires correspondant à la période de mise à pied annulée.
En l'absence de nouveaux moyens et de nouvelles pièces à cet égard, c'est par des motifs pertinents
que la cour adopte, que le premier juge a débouté M. Souramasing de sa demande de dommages et
intérêts. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile étaient réunies en
première instance ; le jugement sera confirmé à cet égard. Elles ne le sont pas en cause d'appel ; les
demandes formées à ce titre devant la cour seront rejetées.
Par ces motifs
La cour
Confirme le jugement déféré ;
Ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne La Poste aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
PETIT GUIDE DES GROSSIÈRETÉS AU TRAVAIL
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Par
Eric ROCHEBLAVE
Avocat Spécialiste en Droit Social
Barreau de Montpellier
Sur le Blog de l'Actualité du Droit du travail
http://www.rocheblave.com/avocat-montpellier/petit-guide-des-grossieretes-au-travail/
Rédigé par : AVOCAT_TRAVAIL | 18 septembre 2010 à 20:08