1) Le relativisme culturel soutient que la beauté, ce n’est qu’une norme issue de la société, ou d’uneculture
donnée et qu’il n’y a pas de beauté en dehors de la norme que chacun
d’entre nous acquiert dans sa culture. En Afrique du nord, on aime les
femmes tatouées sur tout de corps, on trouve que c’est « beau ». En
Europe, on trouvera plutôt que c’est « laid ». Voyez le livre de Marc
Boutet et son séjour en tant que chinois en Chine. Pour le chinois
commun, la beauté féminine, c’est la finesse des traits, les proportions de la chinoise.Il
dira communément que les européens sont laids. Ils sont de gros yeux
exorbités, de grands nez. Bref, ils sont laids par rapport à la norme
de la beauté du chinois. L’africain trouvera laid l’européen à la peau
blanche, délavée, au teint maladif, comparé à la beauté de la peau
d’ébène, aux proportions puissantes, à la beauté esthétique de
l’africain. En bref, la beauté, cela s’apprend, cela
s’acquiert. On apprend dans une culture à trouver beau telle ou telle
chose, à trouver laid telle ou telle chose. Un espagnol a appris à
trouver « belle » une corrida, tandis que pour les peuples du nord,
dont ce n’est pas la culture, ce n’est pas d’emblée un spectacle que
l’on trouvera beau. L’appréciation de la beauté, ce n’est pas inné,
c’est acquis, cela relève de la culture et pas de la nature. Chaque culture produit ses normes
de la beauté et apprends aux hommes à juger en fonction de ces normes.
Le jugement esthétique n’est que l’effet du conditionnement culturel.
Il est le reflet de l’ethnocentrisme
le plus ordinaire, le fait que chaque culture s’estime en possession
des normes exclusive de bien et du mal, du beau et du laid etc. (texte) Le second aspect du relativisme culturel est son application au phénomène de la mode
dans le contexte postmoderne. En effet le consommateur a été
soigneusement conditionné par le matraquage publicitaire à croire que
ce qui est à la mode est « beau » et ce qui n’est pas à la mode est
« laid ». Il juge facilement que ce qui est « démodé » est « moche ».
Un couturier disait que l’on peut facilement habiller les femmes comme
des prostituées, elles ne s’en rendront pas compte, du moment que c’est
« la mode », elles vont s’ébahir devant n’importe quoi en disant d’une
horreur qui est en vitrine « oh que c’est beau »… parce que c’est à la
mode. La publicité décrète ce qui est beau et le consommateur obéit
à la norme en alignant son jugement sur elle. Il suffit de changer la
norme à chaque saison et on recréer la norme du « beau » et du
« laid », et ce qui l’année passée était jugé « laid » devient
« beau », par la seule magie d’un conditionnement massif dans l’image
publicitaire. La beauté, cela s’apprend ! Cela s’apprend sur les pages
des magazines féminins, sur les écrans de publicité et les clips vidéo.
C’est un concept. Mais à l’aune de la mode, c’est aussi un concept
arbitraire, puisqu’on peut y mettre quasiment n’importe quoi, le
consommateur obéissant trouvera toujours que c’est beau, parce que tout
le monde en parle, parce qu’on l’a vu à la télé, parce que c’est le
dernier gadget à la mode. Dans ce cas, il est clair que le jugement sur
la beauté ne relève pas d’une véritable sensibilité au beau, c’est
l’écho du conditionnement collectif. Le
consommateur qui dit « c’est beau » devant une paire de chaussures de
pacotille et de mauvais goût, est comme un perroquet qui récite une
leçon apprise. Il ne fait pas de la beauté une expérience qu’il
rencontrerait comme une émotion sensible. Il est dans le
jugement-réflexe. D’ailleurs, plus sa sensibilité est dénaturée, plus
il est écervelé dans son jugement et mieux cela vaut économiquement.
Il pourra s’extasier devant n’importe quoi. Il achètera n’importe quoi,
parce qu’il est facile à suggestionner, parce qu’il jugera beau
n’importe quoi, par le seul effet de l’imitation et du conditionnement
ambiant. Le relativisme culturel n’a que peu
de rapport avec la reconnaissance sensible de la beauté. A moins de
n’être soi-même qu’artifice, à moins de n’avoir de goût que pour ce que
la consommation propose, chacun d’entre nous reconnaîtra qu’il est à
même de rencontrer la beauté en dehors de toutes les normes
culturelles. Je ne vois pas pourquoi, parce que je suis un
blanc-français-baptisé- je resterais insensible à la beauté noire,
pourquoi si je suis de culture beur, je devrais être insensible à la
voix d’Edith Piaf, à la musique de Bach ou à la profondeur d'un raga au sitar. C’est idiot. Le relativisme culturel est une chose, l’émotion de la beauté en est une autre.
2) Cependant, même en voyant clairement les limites du relativisme
culturel, on peut encore tomber dans une autre forme de relativisme. Le
relativisme subjectif en
matière de beauté, consiste à dire que la beauté n’est que l’expression
de ma sensation individuelle. « A chacun ses goûts ». « Les goûts et
les couleurs, cela ne se discute pas ». Le concept de beauté est alors
une affirmation purement égocentrique. Comme le disait Voltaire, la
beauté pour le crapaud, c’est sa crapaude ! C’est relatif à chacun.
L’un verra la beauté dans Shakespeare, l’autre ne verra que par San
Antonio ! Le premier trouvera laid ce que le second dit être beau et
réciproquement. Est beau donc, simplement ce qui me fait envie
sur le moment, est laid ce qui me dégoûte, me repousse. Comme je suis
en tant que subjectivité, en tant que moi différent d’autrui, je n’ai
pas les mêmes goûts que lui. « A chacun ses goûts ». En vertu du
postulat démocratique, on dira même que les opinions se valent et qu’il n’y a pas à juger. Tout se vaut. Le bitume, les HLM et un paysage de montagne, c’est pareil, la Traviata
de Verdi et le dernier spectacle d’un boy’s band, c’est pareil ; les
tags sur les murs du lycée, cela vaut les dessins de Manet, le piercing
de fakir, cela vaut le naturel, le maquillage délicat. Tout ce vaut. C’est affaire de goût, chacun décrète beau simplement ce qui lui plaît et c’est tout.
(texte) Est beau, ce qui m'est agréable,
un point c'est tout. Ce qui veut dire : la beauté, en soi, cela
n’existe pas, tout est affaire de désir, d’attirance de répulsion
individuelle. L’idée de beauté varie suivant les individus.
Elle ne peut jamais être universelle, elle est toujours particulière et
subjective, comme est particulière et subjective la préférence que
défend chaque ego. Non seulement cela, mais
l’idée de beauté varie aussi suivant les périodes de la vie et les
dispositions. La beauté est aussi inconstante que la conscience de
l’ego lui-même. Diderot dit joliment : « Chaque âge a ses goûts. Des
lèvres vermeilles bien bordées, une bouche entr’ouverte et riante, de
belles dents blanches, une démarche libre, le regard assuré, une gorge
découverte, de belles grandes joues larges, un nez retroussé, me
faisaient galoper à dix huit ans… C’est qu’à dix huit ans, ce n’était
pas l’image de la beauté, mais la physionomie du plaisir qui me faisait
courir ». Diderot reconnaît ici que le jugement qui ne met en avant que
l’attirance sensuelle ne suffit pas pour qualifier le sentiment
esthétique, mais chez l’adolescent, le jugement d’ordre sensuel, prend la place du jugement d’ordre sensible, comme c’est toujours le cas quand nous jugeons du beau de manière impulsive en décrétant comme mesure du beau nos réactions
immédiates. Il en est toujours ainsi quand nous assénons des jugements à
l’emporte-pièce, sans aucune nuance, Le relativisme en matière de beauté
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